political writings

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Silvia Cattori

"Il y a un mur entre nous et la réalité... Ce mur s’appelle : les médias. Ce mur est un outil qui sert à nous détourner de vérités dérangeantes" [Roger Waters].

Julho de 2007

Au cours de sa trajectoire, Silvia Cattori, a eu l’occasion de côtoyer des personnalités politiques et des diplomates de premier plan, en Asie comme en Afrique. Les années qu’elle passe outre-mer, notamment en Asie du sud-est et dans l’Océan indien, en lien étroit avec le milieu de la diplomatie, lui donnent une certaine compréhension du monde, de ses mécanismes de pouvoir et de ses injustices

Confrontée aux guerres et leurs atrocités, à l’extrême pauvreté de ces pays du sud, aux limites et aux paradoxes de l’assistance bilatérale et internationale, elle assiste aux bouleversements consécutifs à la guerre menée par les États-Unis contre le Vietnam, le Laos et le Cambodge. Elle se rend notamment au Vietnam du Nord, alors fermé, où elle témoigne de la gravité des dévastations causées par les bombardements de l’armée US et de la résistance héroïque du peuple vietnamien.

Marquée par la brutalité du coup d’État militaire contre le président du Chili, Salvador Allende, choquée par la présentation biaisée de la presse en faveur des putschistes, c’est en étudiant la façon dont celle-ci a traité cet évènement qu’elle mesure le rôle des médias dans la mise en place de régimes dictatoriaux et l’acceptation de leurs crimes. Elle consacre un ouvrage à ce sujet : «Septembre 1973 au Chili vu au travers de quatre quotidiens – Qualité de l’information et droit à l’information ».

Témoin du coup d’État militaire sanglant du 6 octobre 1976, où en quelques heures plusieurs centaines d’étudiants sont tués, lynchés, à l’Université Thammasat, en plein Bangkok, elle ouvre sa maison à des intellectuels et étudiants mis sur la liste des gens recherchés, traqués par la répression, qui se sont vus obligés d’entrer en clandestinité. Elle est, en 1978, la première journaliste occidentale à pouvoir se rendre dans les maquis du parti communiste thaïlandais, au sud de la Thaïlande, où se sont réfugiés des milliers d’étudiants. Sur cette période troublée, elle publie en 1979, aux Editions L’Harmattan, « Asie du Sud-Est, l’enjeu thaïlandais ».

Revenue en Europe, après l’Asie et de longues années passées à Madagascar, à voyager dans l’Océan indien et sur divers continents, elle se tourne principalement vers la rédaction de textes littéraires.

Lorsque, en 1989, éclate en Suisse le « scandale des fiches », établies par la police politique, sans base légale, sur 900’000 personnes et organisations (sur une population de 6.5 millions d’habitants), elle a la surprise de découvrir qu’elle figure sur la base des données des gens surveillés par le Service de renseignement intérieur, à la suite des contacts de travail qu’elle a eus, dans les années 70, avec le militant Pierre Rousset [fils de David Rousset, résistant, déporté, et auteur de «L’Univers concentrationnaire », ouvrage fondamental sur les camps nazis]. Ses espions de pacotilles avaient tout noté : chaque rencontre, l’heure, ses déplacements, les versements d’abonnements à des revues, copié les courriers qu’elle recevait. Tout cela ressemblait étrangement à ce que nos sociétés reprochaient aux régimes communistes. Pareil ! Mais tout cela se passait en Suisse et à l’insu de ses citoyens (et tout cela continue aujourd’hui, à l’insu de nombreuses personnes qui sont fichées, suivies par des moyens humains, à l’israélienne).

En 2002, elle est rattrapée par la politique dont elle avait cherché à s’évader. Elle se rend en Israël au moment où Ariel Sharon lance contre le peuple palestinien bouclé en Cisjordanie, une vaste opération militaire appelée « Bouclier de protection ». Horrifiée par ce qu’elle découvre elle a consacré des centaines d’articles pour alerter sur la gravité des crimes perpétrés par l’armée occupante. Son engagement pour la justice, dès lors qu’elle témoignait des crimes des gouvernements israéliens successifs, lui a valu d’être régulièrement insultée, accusée, par des responsables d’organisations pro israéliennes, d’« antisémitisme », voire de « négationnisme », calomnies destinées à faire taire ceux dont la narration passe une certaine "ligne rouge".

En 2007, elle ouvre son propre site (http://www.silviacattori.net/), où elle rassemble une partie des articles qu’elle a consacrés, depuis 2002, à cette partie du monde arabe essentiellement. De 2006 à 2008 elle s’associe à Greta Berlin et Mary Hughes-Thompson - et une poignée de Californiens et de Britanniques - pour réaliser le projet d’atteindre Gaza par mer ; voyage qui paraissait alors un objectif impossible. Programmée pour l’été 2007, cette traversée, défi lancé à la marine militaire de l’État d’Israël, se concrétise finalement avec succès en août 2008, et sans qu’elle puisse y participer pour des raisons de santé.

Elle résume ainsi son parcours :

« Trois chocs majeur ont successivement déterminé ma trajectoire : le coup d’État militaire sanglant contre Allende au Chili en 1973 ; le coup d’État militaire sanglant de 1976 à Bangkok ; enfin l’opération criminelle déclenchée par l’armée israélienne en mars 2002 contre un peuple occupé, sans défense. Ce troisième choc a été très traumatisant. Il a brutalement changé le cours de ma vie. Je suis revenue à la politique à ce moment là - aussi dur que cela ait pu être pour moi - pour faire mon devoir qui est d’informer, de dire ce que j’ai constaté de la gravité des exactions commises par l’armée israélienne, dont j’ai été un témoin atterré. Je suis revenue à l’écriture politique pour faire entendre la voix de ces populations écrasées, dont les vies ont été dévastées, meurtries, qui m’ont si généreusement accueillie en Cisjordanie et à Gaza. Je suis revenue au journalisme pour dire que le peuple palestinien a des droits comme chaque peuple, des coutumes et des valeurs culturelles et religieuses qui valent les nôtres, et sont aussi importantes que les nôtres. Mon devoir est simplement de dire la vérité.

Tout journaliste devrait savoir aller avec empathie vers ces peuples battus par les guerres, humiliés, souffrants, qui aspirent à être reconnus en leur besoin de liberté, en leur simple humanité. C’est de ce côté-là que la vérité attend. Offrir une information indépendante et honnête, mettre à nu les diverses formes d’oppression, peut contribuer à sauver des vies, à alléger des souffrances, à promouvoir la justice».

Silvia Cattori