écrits politiques

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Une analyse de Pierre Khalaf
Conseil national syrien et 14-Mars libanais : même cause, même combat

Ceux qui avaient encore des doutes sont maintenant bien servis : le Conseil national syrien (CNS) - formé à l’initiative des services de renseignements français, des analystes du Quai d’Orsay (notamment Nibras el-Fadel et Basma Kodmani) et de la Turquie -, ainsi que le 14-Mars libanais, soutenu politiquement, financièrement et médiatiquement par les États-Unis et leurs alliés arabo-européens, font partie d’une même alliance et ont des objectifs similaires.

30 janvier 2012

Il est désormais clair que leur action s’inscrit dans le cadre d’une seule et unique stratégie décidée dans les chancelleries occidentales. On découvrira vraisemblablement dans la période à venir une étroite relation structurelle et organisationnelle entre les deux entités qui ont en fait un seul mentor, ou chef d’orchestre.

Le CNS a en effet publié un document politique adressé au « peuple libanais » dans lequel il reprend à son compte les principaux éléments du discours politique développé par le 14-Mars depuis six ans. Le texte, officialisé la semaine dernière, propose « la révision des accords conclus entre le Liban et la Syrie pour parvenir à de nouveaux accords qui préserveraient les intérêts de chacun des deux pays, d’une part, et leurs intérêts communs, de l’autre ; l’abolition du Conseil supérieur libano-syrien ; le tracé des frontières entre les deux pays, notamment dans la région des fermes de Chebaa ; le contrôle des frontières entre les deux pays ; la création d’une commission d’enquête syro-libanaise commune pour régler la question des détenus et des disparus dans les prisons du régime syrien... ».

Pas un mot sur le danger que représente Israël pour les deux pays, la coordination à tous les niveaux pour récupérer les terres encore occupées par l’État hébreu au Liban et en Syrie ainsi que toutes les autres questions d’intérêt commun.

Les ténors du 14-Mars, qui auraient pu tout aussi bien être les auteurs de ce texte tant il est calqué sur leur terminologie, ont applaudi à l’unisson. Fouad Siniora, Marwan Hamadé, Samir Geagea… tous ont rendu un vibrant hommage au CNS.

La boucle est maintenant bouclée. Il ne s’agit ni de démocratie, ni de réforme, mais d’un vaste projet de domination néocoloniale appuyée –comme toujours- par des élites locales et des puissances régionales alliés objectif d’Israël depuis sa création. Il s’agit bien entendu des pétromonarchies du Golfe, où la liberté d’expression, les libertés individuelles et, surtout, les droits de la femme, sont des notions inconnues.

Mais en Occident on n’a d’yeux, pour l’instant, que pour la Syrie. À Bahreïn, en Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis, silence on tue, on déporte et on emprisonne…

À cause de l’irresponsabilité du 14-Mars, qui veut à tout prix impliquer le Liban dans la crise syrienne, le pays du cèdre se dirige lentement mais sûrement vers la catastrophe. Jour après jour, les ingrédients de la crise profonde se mettent en place et pourraient bien devenir, sans prévenir, une menace pour la stabilité interne.

Pendant ce temps, la Syrie résiste

Dans ce paysage politique explosif, la Syrie est un État qui résiste aux États-Unis et Israël d’une part, et aux takfiristes-salafistes de l’autre. L’opposition « pacifique » a, depuis longtemps, été balayée par la violence. L’armée nationale se bat contre des pseudo-déserteurs et des bandes armées créées, couvées, allaitées et financées par l’axe Washington-Istanbul-Golfe.

La Ligue arabe, manipulée par les pétromonarchies, a annoncé d’une manière inattendue le retrait de ses observateurs de Syrie, afin de donner plus d’arguments aux tentatives de transposer le dossier au Conseil de sécurité en cours actuellement à New York.

Mais la position de la Russie reste fondamentalement inchangée. Et sur le terrain, les violences des groupes armés ont atteint des niveaux inégalés avec des tirs d’obus contre un couvent dans la région de Saydnaya et le meurtre d’un prêtre à Hama.

L’Occident est à l’affût d’une nouvelle guerre au Moyen-Orient car telle est l’essence de la campagne contre la Syrie. L’Iran subi des provocations tous les jours : assassinat d’un scientifique nucléaire, sanctions, embargo contre le pétrole etc… même les puissances en déclin peuvent avoir une capacité de nuisance, mais certainement pas les moyens nécessaires pour concrétiser leurs rêves de domination impossible.

New Orient News (Liban)
Rédacteur en chef : Pierre Khalaf (*)
Tendances de l’Orient No 68, 30 janvier 2012.


(*) Chercheur au Centre d’Etudes Stratégiques Arabes et Internationales de Beyrouth.