Les manifestations géantes organisées en Égypte vendredi 9 septembre constituent un tournant dans la longue marche de la révolution égyptienne, de par la constitution de la foule et des slogans brandis. Bien que les Frères musulmans et les principaux mouvements islamistes aient boycotté ces manifestations, les organisateurs ont réussi à mobiliser des centaines de milliers de personnes, qui ont scandé des slogans patriotiques et nationalistes d’inspiration nassérienne, hostiles à Israël et favorables à la Palestine.
9 septembre 2011 : Des manifestants égyptiens détruisent le mur construit autour de l’ambassade israélienne au Caire.
Une foule en colère s’est ensuite dirigée vers le siège de l’ambassade de l’État hébreu, pris d’assaut par des centaines de jeunes. Devant l’ampleur du mouvement, l’ambassadeur d’Israël en Égypte, Yitzhak Levanon, n’a eu d’autre choix que de s’enfuir. Avec le personnel de l’ambassade, il a quitté Le Caire à bord d’un avion privé qui a décollé après que l’ambassade, installée dans les derniers étages d’un immeuble du quartier de Giza, ait été envahie par des manifestants.
Les manifestants ont jeté des documents confidentiels par les fenêtres. Plusieurs documents ramassés proviennent des services diplomatiques israéliens. Certains sont rédigés en arabe mais portent des tampons diplomatiques israéliens et sont visiblement des courriers de fonctionnaires israéliens à leurs homologues égyptiens.
Cet événement montre la détermination des jeunes égyptiens à donner à la révolution une dimension nationale dépassant le cadre des libertés et de la démocratie. Dix-huit d’entre eux ont trouvé la mort et près de 1000 ont été blessés par les charges violentes des forces de l’ordre et de l’armée. Cela ne les a pas empêché de poursuivre le mouvement jusqu’à la réalisation de leur objectif déclaré qui est d’expulser l’ambassadeur d’Israël et de fermer les locaux de la chancellerie. Deux buts aujourd’hui atteints.
Le Conseil militaire suprême, qui dirige le pays depuis la destitution de Hosni Moubarak, ne peut plus ignorer la réalité que la chute du dictateur pro-américain, son procès et les promesses de la tenue d’élections libres, ne sont pas suffisantes pour calmer la rue. Tant que le pays n’aura pas rompu ses liens avec Israël, le peuple égyptien estimera que sa révolution est incomplète.
De leur côté, les islamistes, qui ménagent l’État hébreu et l’Amérique, parce qu’ils convoitent le pouvoir, sont maintenant débordés à leur gauche. L’incident de l’ambassade ne les réjouit pas, car il a prouvé, aux yeux des États-Unis, qu’ils ne contrôlent pas la rue comme ils le prétendaient, dans l’espoir de gagner les faveurs de l’Occident pour prendre le pouvoir.
Devant la détermination de la jeunesse égyptienne, tous les acteurs, internes et extérieurs, devront revoir leurs copies. L’Égypte de Gamal Abdel Nasser est de retour.
New Orient News (Liban)
Rédacteur en chef : Pierre Khalaf (*)
Tendances de l’Orient No 48, 12 septembre 2011.
(*) Chercheur au Centre d’Etudes Stratégiques Arabes et Internationales de Beyrouth.