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L’armée israélienne terrorise des populations sans défense
Violences israéliennes gratuites à Balata

Les soldats sont à nouveau entrés dans le petit camp de Balata, avec un bataillon de chars et de jeeps, le 16 décembre à deux heures du matin. Ils n’en sont sortis que ce matin à l’aube.

18 décembre 2003 | - : Israël Palestine


Balata (IMEMC)

Ils ont bouclé toutes les sorties, occupé les maisons situées à des carrefours "stratégiques", pour y poster leurs tueurs, enfermé des familles entières dans une unique pièce.

C’est encore plus effrayant la nuit. Les soldats vont de maison à maison. On les entend mais on ne les voit pas. Ils font sauter les parois pour pénétrer dans les foyers, accompagnés de chiens.

Ne trouvant pas les hommes qu’ils recherchent, ils séquestrent des enfants, qui n’ont parfois pas plus de cinq ans, pour les effrayer et obtenir des renseignements sur leur père, leur grand frère, leur voisin.

C’est l’incertitude ! Viendront-ils chez nous aussi ? Chacun demeure suspendu aux bruits, cherche à les interpréter. Quand les coups de feu éclatent, les enfants sont capables de discerner avec quel type d’arme on a tiré, quelle est la distance qui les sépare des soldats dont ils mesurent chaque pas. Des enfants atteint en profondeur, sans cesse empêchés d’aller à l’école, et qui ne pensent qu’à une chose : aller se jeter au-devant des chars avec des lances pierres une fois le couvre feu levé...

On se demande comment tout cette humanité parvient à supporter, depuis si longtemps, un tel degré de violence !

Aucune plainte ! On guette. Seuls les animaux domestiques –mulets, ânes, chèvres, poules- se manifestent. Le braiment des ânes, comme des pleurs, prennent une coloration humaine, dans cet univers angoissant où le temps s’écoule différemment.

Leur vie est un enfer. Ils passent d’un état à l’autre, vivent terrés, dans l’effroi ; puis quand l’armée –après avoir tout dévasté- se retire enfin, ils sont tout de suite d’aplomb, vaquent à nouveau à leurs occupations, follement excités.

Dès l’aube, j’ai profité d’une accalmie pour aller à l’hôpital Rafidia à Naplouse, visiter les enfants que les soldats ont blessés ces deux dernières semaines.

Nour Emran, 12 ans, que les soldats avaient délibérément visé en pleine tête, était plongé dans le coma, sans espoir d’en sortir. Deux autres enfants de Balata étaient également dans un état désespéré.

Revenus à Balata, nous avons appris que le camp était à nouveau quadrillé de soldats. Un journaliste britannique est arrivé, lancé à son cameraman "On y va". Nous les avons vu partir d’un pas ferme, sans se laisser refréner par les soldats, qui ne voulant pas les laisser filmer, se sont faits menaçants.

Il y a avait là, également l’intrépide, Marcin Suder, un photographe polonais qui m’accompagnait, qui voulait lui aussi prendre des clichés montrant la cruauté de ces horribles soldats qui se riaient de nous à l’intérieur des jeeps, à croire que cela les amusait, de tirer sur des enfants à balles réelles ! Ils tiraient des grenades assourdissantes qui nous faisaient sursauter, et des grenades asphyxiantes qui provoquaient des convulsions nécessitant parfois l’hospitalisation.

Il n’y avait pas de combattants en face. Pourquoi donc se servir de mitrailleuses qui déversent 500 balles à la seconde ? (commentait Marcin)

Plus tard, alors que je voulais m’en aller, j’ai aperçu un soldat en position de tir. Apeurée, j’ai suivi un volontaire de l’ISM. Nous avons bifurqué et sommes entrés dans une étroite ruelle. Mais, à chaque intersection, il y avait un soldat prêt à tirer. Nous n’avions d’autre choix que de filer droit. Quand nous avons débouché sur Market Street, nous avons vu un char et une jeep. "Plus personne ne bouge ou on tire" a averti un soldat par haut parleur.

J’ai aperçu des garçons en attente, postés dans une encoignure, hors de la vue des soldats et prêts à lancer des pierres. Sentant en danger j’ai frappé à une porte. Une femme m’a tout de suite fait signe d’entrer. Et ce geste là, cette Palestinienne-là, auprès de laquelle j’ai trouvé chaleur et protection, je ne pourrai jamais l’oublier.

C’était une grande maison très bien tenue qui respirait la propreté, habitée par plusieurs familles. A 21 heures, nous étions couchés. Plus de vingt personnes, serrées les unes contres les autres, sur des matelas à même le sol, dans une unique pièce. Mères et grand-mères attentionnées et une ribambelle d’enfants. Nous entendions les bruits venant de la rue, nous pouvions voir les toits des jeeps et des ambulances passer à grande allure. Il n’y avait pas d’hommes au delà de douze ans. Il y avait des mères et des enfants qui parlaient de pères assassinés, d’enfants tués devant leur porte, ou emprisonnés en Israël pour avoir résisté à l’avancée des char, avoir manifesté leurs droits bafoués...

Les nuits sont effrayantes ici. A cause des soldats qui s’activent à aller d’une maison à l’autre, forcer les femmes à ouvrir... Ce sont des moments où tout devient étrangement opaque. Qu’ils tirent ou qu’ils ne tirent pas, la peur est la même. Je me disais que c’était un devoir humain d’être là, de manière à rappeler aux soldats que, même en guerre, il y a des règles qui doivent être respectées.

A six heures, nous avons appris que les soldats avaient quitté le camp. Mais qu’entre temps l’armée israélienne a à nouveau envahi Naplouse. Et la tristesse a suivi de peu le soulagement.

Silvia Cattori