écrits politiques

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Flottille de la Liberté
Déclaration des journalistes membres de la « Flotilla Free Press » à Istanbul

Aujourd’hui, mardi 13 juillet 2010, cela fait 43 jours que l’armée israélienne a mené son attaque sanglante dans les eaux internationales. Pendant ce raid contre le Mavi Marmara, elle a tué neuf personnes dont un journaliste.

17 juillet 2010

Nous sommes ici aujourd’hui en tant que survivants de cette attaque et en tant que journalistes que les balles israéliennes n’ont pas réduits au silence. Sur ces bateaux qui avaient entrepris d’apporter une aide humanitaire aux civils de Gaza emprisonnés par le blocus illégalement imposé par Israël, il y avait environ 60 membres de la presse en provenance de Turquie et du monde entier.

L’assaut lancé à l’aube visait aussi bien les journalistes que des civils ordinaires. Les membres de la presse ont été confrontés à la mort comme tous les autres passagers.

Les soldats qui sont montés à bord illégalement et qui ont ouvert le feu sur ordre du ministre israélien de la défense, nous ont également empêchés de faire notre travail. En fait, ils nous ont finalement punis parce que nous faisions notre travail ; ceci, en violation flagrante du droit international. L’instrument international pour la citoyenneté et les droits civiques accepté par les Nations unies depuis 1966 et la Déclaration de premiers principes concernant la circulation de masse des médias établie par l’Unesco protègent la liberté pour les journalistes de donner de l’information et interdit qu’on les empêche de l’obtenir, droits qu’ Israël a de toute évidence violés.

Chers amis,

Nous sommes confrontés à une intervention inhumaine qui est allée à l’encontre du droit international et qui a violé les droits humains les plus fondamentaux. Un de nos collègues, Cevdet Kılıçlar, a été brutalement exécuté d’une balle dans le front alors qu’il faisait son devoir de journaliste.

A la fin de cette attaque sanglante, notre dignité humaine a été piétinée quand on nous a forcés à rester à genoux sous un soleil ardent, les mains menottées derrière le dos, ceci en violation grossière de nos droits humains. Notre liberté de rassembler et de garder de l’information a été totalement ignorée. Les émissions en direct et toutes les autres formes de communication avec le monde extérieur ont été interrompues et empêchées par le brouillage de notre connexion satellitaire. Nos ordinateurs, nos caméras, nos cartes mémoire - bref tout l’équipement nécessaire à notre travail - ont été illégalement confisqués et volés. La majorité de ces articles ne nous ont pas été rendus. Le peu que l’on nous a restitué avait été détruit et mis hors service.

Le comble c’est que tous nos effets personnels - livres, vêtements, chaussures et même brosses à dents -ont tous été volés. Une partie de notre argent et de nos passeports ont été confisqués et ne nous ont jamais été restitués.

On nous a arrêtés sous la menace des armes. Les soldats nous ont menottés. Nous avons été illégalement interrogés à plusieurs reprises comme si nous étions des criminels. Nous avons dû subir des fouilles humiliantes au corps, des fouilles complètes au corps, pour empêcher que des images atteignent le monde extérieur. Ils n’ont pas reconnu ni respecté ni notre carte de presse, ni le fait que nous appartenions à des associations de presse nationales et internationales. On nous a dit plusieurs fois et de façon brutale et grossière qu’être membres de la presse ne voulait rien dire. Nous avons été kidnappés et illégalement détenus en prison pendant deux jours. Pendant ce temps, on ne nous a pas permis de nous mettre en communication avec nos associations de presse, nos employeurs, voire nos familles. On ne nous a pas attribué d’avocat et en fait beaucoup d’entre nous n’ont même pas obtenu l’aide des conseils de nos gouvernements. Nous ne pouvions ni recevoir de l’information du monde extérieur ni en envoyer.

Chers amis,

Les droits et les libertés de la presse qui sont garantis par les accords internationaux ont été bafoués, ignorés et traités avec le plus grand mépris par Israël. La règle de droit - une des valeurs communes à toute l’humanité - a été ignorée. Nous ne pouvons pas et nous ne devons pas garder le silence, que ce soit en tant qu’êtres humains, ou en tant que membres de la presse. Nous devons protéger les droits pour lesquels beaucoup se sont battus et beaucoup se sont tellement sacrifiés pour que nous puissions en jouir aujourd’hui.

C’est la raison pour laquelle nous avons établi une plate-forme intitulée Flotilla Free Press (FFP). Nous vous communiquerons les faits nouveaux et les nouvelles concernant ce qui nous est arrivé en tant que journalistes pendant cette nuit sanglante et les mesures que nous prenons pour faire valoir nos droits sur notre site Internet qui porte le même nom.

Nous avons fait des recherches sur nos droits dans le cadre du droit international. Nous avons lancé une action en justice avec nos amis journalistes du monde entier et nous engageons des poursuites aussi bien dans nos pays qu’en Israël

Nous, en tant que journalistes, poursuivrons ce processus jusqu’à son terme en engageant des poursuites pour dommages psychologiques et matériels en vertu du droit national et international afin que les parties coupables de ces crimes haineux contre l’humanité, cette tache sur l’histoire de l’humanité, soient punies et traduites en justice.

Conformément aux informations communiquées par nos avocats au sujet du statut juridique de cette action en justice, nous estimons qu’il est utile de vous faire connaître les demandes que nous adressons aussi bien aux Nations unies qu’au gouvernement israélien.

1. Les accords internationaux interdisent l’interception des bateaux en haute mer. Or, l’attaque s’est produite dans les eaux internationales qui sont en haute mer. Conformément à la Convention de Genève de 1958 et au contrat de loi maritime des Nations unies, la haute mer désigne les eaux qui ne relèvent de la domination d’aucun État. C’est le principe de la liberté en haute mer. Le gouvernement israélien a commis un crime en interceptant et en abordant notre bateau en violation complète des contrats, des coutumes et des traités internationaux. Ceux qui ont donné l’ordre d’attaquer et ceux qui l’ont exécuté doivent être tenus responsables par des tribunaux internationaux indépendants. Les décisions résultant de cette enquête et les poursuites qui seront menées seraient conformes à la conscience humaine et tout d’abord aux principes du droit.

2. Israël a violé le droit international en s’emparant de notre matériel technique. L’État israélien doit rendre immédiatement cet équipement, intact, aux journalistes.

3. L’attaque contre la Flottille de la liberté a été une attaque contre la liberté de la presse. Cet événement doit faire l’objet d’une enquête menée par une commission internationale impartiale sous la supervision des Nations unies. Le gouvernement israélien doit verser un dédommagement à ceux qui ont souffert de cet événement y compris à leurs familles.

4. L’État israélien a fait un usage disproportionné de la force et a également ignoré les lois des Nations unies qui empêchent l’usage délibéré de la force contre des journalistes et des civils.

Il n’y avait aucune arme à bord. Il y avait au contraire des médicaments, de la nourriture, de l’équipement pour des jeux d’enfants et d’autres types d’aide humanitaire. Chose plus importante, Israël le savait. Les Nations unies doivent prendre plusieurs mesures, y compris des sanctions économiques contre Israël. Tant les Nations unies que le Conseil de sécurité doivent traiter cette affaire de manière sérieuse. Cet incident doit être condamné dans les termes les plus fermes par le Conseil de sécurité.

5. De même, les associations internationales de presse doivent rédiger des résolutions condamnant le gouvernement israélien qui a empêché les journalistes de faire leur travail.

Nous persisterons dans nos demandes adressées à la communauté internationale.

Nous poursuivrons notre bataille pour protéger la liberté des médias.

Nous continuerons à communiquer la vérité.

On ne nous réduira pas au silence.

Avec nos salutations,
Journalistes membres de Flotilla Free Press (FFP)
Le 13 juillet 2010.